AP2 : Robotique et société

Les robots sont présents dans nos sociétés depuis l’Antiquité, d'abord comme objets de fictions puis comme sujets de curiosité technologique et finalement comme outils concrets depuis 1961, date de la première installation d'un robot industriel commercial dans une usine General Motors. Cette présence des robots dans nos imaginaires, dans notre culture technique, et finalement dans nos systèmes de production, de logistique, de santé, constitue autant de sujets riches de réflexion et de questionnements, allant jusqu'à la pertinence même de leur utilisation, la modification des comportements humains qui peut en résulter, la transformation de nos sociétés qui en découle, leur impact environnemental, les motivations économiques, la souveraineté. La question environnementale sera abordée plus particulièrement dans l'AP1, étant donnée son importance et son urgence, mais elle ne peut être détachée d’un questionnement sociétal plus général, portant par exemple sur les usages et l’inévitable effet rebond (paradoxe de Jevons, postulat de Khazzoom-Brookes qui observent qu'améliorer l'efficacité d'utilisation d'une ressource peut augmenter sa consommation totale au lieu de la diminuer).

Nourris par les progrès vertigineux de ces dernières années en Intelligence Artificielle, les questionnements éthiques et leurs transcriptions législatives prennent une place grandissante dans les réflexions sociétales actuelles, par exemple quand la Commission Européenne met en avant sept grandes exigences éthiques pour une « Intelligence Artificielle digne de confiance » qui visent nommément la robotique. Ces questionnements éthiques doivent naturellement irriguer le travail académique mais ils le dépassent largement, s’agissant de choix de société fondamentaux. Se pose alors de façon cruciale la question de l’appropriation par nos sociétés de la robotique et de ses effets potentiels, afin de pouvoir en débattre ouvertement et largement.

Les bouleversements environnementaux d’un côté, les progrès vertigineux en Intelligence Artificielle de l’autre questionnent profondément la place de la technologie dans nos sociétés, et notamment de la robotique, qui leur est intimement liée. Deux questions fondamentales font alors surface : quel sens donner aujourd'hui et demain aux robots dans nos sociétés, et quel sens donner à la robotique en tant que science des robots ?

Thèmes émergents et défis


Un défi important pour notre communauté est d’agrandir sa surface d’échanges avec l’ensemble de nos sociétés pour travailler à mieux comprendre ensemble ce que la robotique peut apporter en termes d’imaginaires, de culture technique, de nouveaux outils concrets pour répondre réellement aux besoins, aux envies ou aux problèmes auxquels nos sociétés sont confrontées. On peut observer à titre indicatif que la robotique est largement absente du travail de prospective réalisé récemment par l’ADEME, y compris dans les scénarios à forte composante technologique. Il semble donc important de continuer à approfondir les échanges existants avec différentes composantes de nos sociétés, les milieux politique, étatique, économique, juridique, médiatique, culturel, éducatif, associatif, le grand public et peut-être d’en développer de nouveaux, telles que la robotique ouverte ou participative, par exemple à travers les fablabs.

La robotique a aujourd'hui une Histoire riche, mais face au départ de la vie active de nombreux collègues qui ont contribué à forger notre discipline au cours des décennies passées, un sujet pratique dont nous devrions peut-être nous saisir sans tarder est celui d’essayer de mieux rassembler cette Histoire, autant dans ses composantes d’imaginaire, de culture technique que de construction d’outils concrets, ce qui pourrait nous aider à éclairer son avenir dans une perspective historique : mieux comprendre d'où l'on vient pour mieux comprendre où l'on va. Ce sera un travail à mener en collaboration avec le Gros Plan Thématique consacré à ce sujet.

Car au final, quel rôle la robotique pourra jouer dans les dix-sept objectifs de développement de nos sociétés mis en avant par l’ONU en 2015 et qui, mis en vis-à-vis des neuf « limites planétaires » abordées dans l’AP1, donnent lieu au concept de Doughnut Economics ? Notre discipline ne pourra pas échapper à ce questionnement face aux bouleversements en cours. Accélérer la prise de conscience de notre communauté sur ces questions et structurer les réponses qu'elle saura y apporter sera déterminant pour son avenir.