GT1 : Robotique et santé

Contexte et objectifs




La robotique médicale est désormais une discipline mature, riche d’une trentaine d’années de recherches. Elle est passée du stade de simple champ applicatif de la robotique industrielle à une discipline à part entière, avec ses problématiques spécifiques.

Pluridisciplinarité


Une de ses caractéristiques principales est la pluridisciplinarité. Elle se situe ainsi au confluent de domaines aussi variés que la conception mécanique et mécatronique, l’automatique et l’informatique industrielle, la vision par ordinateur et les asservissements visuels, l’haptique et la réalité virtuelle. Elle concerne aujourd’hui tous les domaines de l’imagerie (IRM, CT, échographie, endoscopie, etc.), de la chirurgie (abdominale, du cerveau, cardiaque, orthopédie, etc.), et de nombreux autres domaines de la médecine (assistance à la personne, rééducation, psychiatrie, etc.).  Cette pluridisciplinarité n’est pas sans conséquence sur l’organisation de la recherche. En effet, il est important de créer un contexte favorable à l’émergence d’interactions fortes entre les différents acteurs de cette recherche. L’imbrication des disciplines peut passer par un regroupement au sein d’une même équipe de compétences variées dans le domaine de l’ingénierie et de la santé, nécessitant idéalement une localisation à proximité d’un centre hospitalier.

Transfert vers des applications cliniques et impact sociétal


La robotique médicale, encore plus que d’autres disciplines de la robotique, est confrontée à un temps de cycle des projets très long lié à la nécessité impérieuse de non seulement réaliser un prototype mais également de le tester in vivo. Ainsi, le temps nécessaire entre le démarrage d’un projet et les premières publications dépasse le plus souvent trois années. Les premières phases d’un projet concernent souvent le développement mécanique. Suivent l’acquisition des mesures, la commande, le logiciel de haut niveau, les tests en laboratoire et enfin les tests in vivo. C’est seulement après de nombreux tests in vivo, et souvent aussi après plusieurs versions du prototype, que l’on peut envisager le transfert du système vers une version commerciale. Finalement, peu de robots médicaux sortent du laboratoire pour tenter l’aventure commerciale, et encore moins sont des succès commerciaux.

La conséquence de ce phénomène est que l’attente très grande du public et des médias est en train de se muer en défiance. On voir ainsi paraître dans certains journaux grand public des titres volontairement provocateurs comme « Le robot da Vinci : une machine à coudre à 1 million d’euros ? ». La communauté de la robotique médicale est parfaitement consciente de cette situation. Elle mesure tous les jours la distance très grande entre l’idée et le prototype et, pour ceux qui tentent l’aventure, la distance encore plus grande entre le prototype et le produit commercial. Aussi, il paraît nécessaire dans la communication de faire prendre conscience aux décideurs, aux médias  et au grand public de la difficulté de la tâche. Dans les relations avec les partenaires médicaux, il est aussi de la responsabilité des chercheurs de cadrer la réflexion dans les limites du « technologiquement réaliste ».

Journées du GT


L’échange suscité par les réunions de travail portera autant sur des aspects fondamentaux (problèmes génériques en robotique médicale, nouvelles thérapies, nouvelles architectures mécaniques, commande avancée) que sur des aspects plus technologiques (méthodologie de conception ou de réalisation, capteurs, actionneurs, dispositifs d’imagerie, outils de chirurgie).Ces échanges pourront mettre en évidence des synergies potentielles entre équipes travaillant sur des sujets similaires et ainsi susciter d’éventuelles collaborations.

Le groupe de travail se réunira avec une périodicité d’environ 4 mois. Les animateurs solliciteront des présentations orales en fonction du thème retenu pour la journée. Un site Web sera créé et constituera le principal lien entre les participants du groupe hors réunion. Ce site Web sera sous la tutelle du site Web du GdR Robotique. Les réunions de travail thématiques pourront être co-organisées avec d’autres groupes de travail du GdR Robotique dont le thème central correspond à certains aspects plus spécifiques des journées organisées (par exemple les GT3 "Manipulation multi-échelle", GT4 "Méthodologies pour la robotique", GT6 "Conception innovante et mécatronique") ou bien encore avec d’autres GdR (MACS, STIC et Santé).

Les supports des présentations et d’éventuelles documentations annexes seront mis à disposition sous forme électronique sur le site Web du groupe. Ce site contiendra également une section "ressources" qui donnera accès à des logiciels, publications ou documentations fournies sous une licence libre par la communauté. Le GT fournira aussi un document de présentation de l’état de l’art et prospective.

Pour proposer une journée, participer, ou pour toute question, contacter les animateurs du GT : Bernard Bayle (bernard.bayle at unistra.fr)  et Guillaume Morel (guillaume.morel at upmc.fr).

Robotique d’assistance pour la chirurgie et médecine interventionnelle



Avec un recul de 30 ans, il est possible d’esquisser quelques grandes tendances. Certaines approches sont désormais abandonnées, d’autres sont en passe de l’être, tandis que de nouvelles voies apparaissent.
L’utilisation de robots industriels en robotique médicale a eu son heure de gloire jusqu’au début 2000. Depuis, progressivement, les équipes de recherche se sont mises à développer des solutions dédiées aux tâches concernées, et ce dans tous les domaines applicatifs. L’approche industrielle de la robotique est de concevoir un outil polyvalent qui s’adapte à une multitude de tâches. Ainsi, le robot anthropomorphe à six axes imite le bras humain pour couvrir un spectre d’applications très vaste. Cette idée fut reprise pour les premiers robots médicaux commerciaux. Ils se voulaient multi-usages, utilisables pour la chirurgie cardiaque, la chirurgie de la prostate ou encore la chirurgie abdominale. Aujourd’hui principal succès commercial sur le marché, le robot Da Vinci est essentiellement utilisé pour la chirurgie de la prostate, domaine dans lequel on a pu démonter son intérêt, notamment pour des chirurgiens non confirmés. On peut toutefois se demander quelle aurait été la structure de ce robot, si d’emblée la conception avait visé la seule chirurgie de la prostate. Le système aurait alors sans nul doute été très différent et bien plus compact, vu l’espace de travail requis.

La tendance actuelle est donc aux systèmes dédiés. Rentrent en particulier dans cette catégorie tous les robots utilisés pour les interventions médicales et chirurgicales tels que les robots porte-aiguille, les robots-guides pour la chirurgie orthopédique, les robots pour la chirurgie transluminale ou à trocart unique, les cathéters actifs, les stabilisateurs cardiaques actifs ou encore les robots autonomes de type capsules ingérables. Les robots hérités des systèmes industriels se cantonnent dans des tâches où ils ne sont pas au contact du patient comme la radiologie ou la radiothérapie.

Sujet d’étude 1 : conception mécatronique intégrée de dispositifs dédiés et minimalement invasifs


Pour développer ces systèmes, les doter de nouvelles fonctionnalités, autoriser un fonctionnement encore plus sûr ou un pilotage plus fin, un certain nombre de sujets de recherche sont plus que jamais d’actualité. C’est le cas notamment de la conception de robots dédiés à des tâches très minimalement invasives. Ici, on s’intéressera aux problèmes posés par la nécessité de proposer des solutions compactes, portées par le patient ou relevant de l’« instrumentation intelligente » par exemple dans le cadre de l’assistance aux gestes en chirurgie laparoscopique ou orthopédique. Aux défis classiques, qui concernent notamment la dextérité intracorporelle à des échelles millimétriques, s’ajoutent des problématiques plus récentes résultant des nouvelles tendances de la chirurgie, comme la recherche de solutions mécatroniques innovantes à base de robots reconfigurables pour la chirurgie à trocart unique.

La miniaturisation des systèmes se heurte à des problématiques de conception mécatronique avancée et en particulier à des problèmes d’actionnement. Les nombreux systèmes de taille centimétrique qui ont été développés ont mis en évidence une inadéquation des actionneurs actuellement disponibles avec les besoins. Ces systèmes arrivent généralement tout juste à compenser leur propre gravité et peinent à fournir des efforts utiles significatifs. L’actionnement est donc un verrou important. La structure mécanique des systèmes en est un autre. En effet, la tendance vers de plus en plus de mobilité distale engendre une accumulation des imperfections le long de la structure série. Une accumulation des jeux, des frottements secs, des flexibilités, des hystérésis ou d’autres non linéarités peut rendre le dispositif totalement inutilisable. La micro-robotique pourrait apporter une réponse à ce problème. L’action conjuguée d’une multitude de robots mobiles submillimétriques pendant une durée significative pourrait être une alternative viable à l’action d’un robot centimétrique pendant un temps limité.

Par ailleurs, dans le cadre de l’avènement attendu de la chirurgie hybride et des blocs intégrant des imageurs, il devient nécessaire de placer l’ensemble de ces recherches en intégrant les contraintes de compatibilité avec l’IRM ou le CT-SCAN, notamment pour la radiologie interventionnelle.

Sujet d’étude 2 : modélisation et commande


Un des sujets importants concerne la modélisation des déformations de tissus mous et des interactions instruments/organes, qu’il est nécessaire d’intégrer pour parvenir à améliorer la précision dans le cadre de gestes ciblés. Ces modèles sont utiles également pour étudier le contrôle des interactions instrument/tissus grâce à la téléopération à retour d’effort ou à la comanipulation, qui sont deux modalités importantes pour la chirurgie assistée. Ces questions doivent être étudiées dans le contexte plus général des interfaces de commande (incluant les échanges d’information tactiles, mais aussi des techniques de réalité augmentée pour fournir une information intuitive et augmentée au praticien).

Par ailleurs, l’un des points forts, historiquement, de la recherche française reste le guidage en temps réel de robots par des images médicales. Ici, les questions d’asservissement visuel et de vision actives doivent faire l’objet d’études particulières en exploitant des spécificités des modalités disponibles : endoscopie, IRM, échographie, tomographie à rayons X, microscopie temps-réel (OCT, endomicroscopie confocale), etc. Les recherches en robotique médicale à l’interface avec l’imagerie médicale se heurtent actuellement à l’absence de norme permettant simplement d’accéder au flux d’information en temps réel. Seule une collaboration étroite avec le fabricant d’imageur permet d’accéder au fonctionnement bas-niveau de la machine et donc d’envisager un guidage du robot par asservissement visuel. Peu d’équipes dans le monde ont actuellement pu réunir ces conditions.

Robotique d’assistance pour les personnes souffrant de déficiences motrices



Le domaine de l’assistance à la personne ou des gérontechnologies est également très actif et très prometteur. Il concerne des personnes handicapées ou des personnes âgées, ayant des troubles physiques sensoriels, moteurs ou cognitifs. L’objectif est d’améliorer la qualité de vie, l’autonomie et de favoriser le maintien à domicile. Sont ici concernés les systèmes d’aide adaptés à la morphologie de la personne comme les exosquelettes ou les prothèses actives, ou encore les dispositifs pour prévenir la chute de personnes âgées. Une des spécificités dans ce domaine est que les structures doivent être en capacité d'interagir de façon sûre et simplifiée avec l'homme et doivent pour certaines posséder de grandes capacités de déplacement et de manipulation en milieu fortement encombré. Enfin, les robots sociaux possédant des capacités cognitives pour l'interaction avec les patients font toujours l’objet de nombreux travaux. Ceux-ci sont traités dans le GT « Interactions personnes / systèmes robotiques » avec lequel nous devrons travailler en commun.

Sujet d’étude 1 : rééducation neuro-motrice


La rééducation du membre supérieur par des moyens robotiques est un domaine en plein développement. Alors que les premières machines étaient exploitées pour la mobilisation passive, qui a un rôle physiologique lorsque le patient ne possède pas suffisamment de motricité pour produire des mouvements, les nouveaux robots se doivent d’être interactifs, c’est-à-dire de produire des corrections appropriées en laissant l’intention du mouvement au patient. C’est une condition sine qua non pour que les mécanismes d’apprentissage moteur du sujet soient mobilisés. Les questions sont nombreuses dans ce domaine, qui est en interaction forte avec le domaine des neurosciences et de la biomécanique, pour comprendre les mécanismes qui sous-tendent l’apprentissage moteur et les manières de le favoriser à travers une interaction physique. Les interactions peuvent se faire au niveau de la main ou du membre complet (exosquelette), ce qui pose des problèmes de conception mécatronique (rapport poids/puissance, compatibilité cinématique et statique, etc.) et de commande pour la coordination des mouvements élémentaires, le bras humain étant redondant. Au-delà, l’intégration des robots de rééducation dans des protocoles complets, exploitant notamment des moyens de réalité virtuelle ou des serious games propres à augmenter la motivation du patient, est un sujet important.

La rééducation et l’assistance à la marche sont un autre sujet dont l’impact est très important notamment chez les personnes âgées : après une intervention chirurgicale ou une chute, si la marche n’est pas récupérée rapidement, les chances de décès à deux ans augmentent fortement. La robotique peut apporter des solutions intéressantes comparées aux cadres de marche et déambulateurs conventionnels, dont l’usage reste complexe et dont l’apport fonctionnel est peu performant. Là encore, l’interaction est au centre des questions scientifiques : le robot doit non seulement répondre de façon très simple et intuitive (du fait de la présence de déficiences cognitives souvent présentes simultanément) mais aussi apporter une aide active et sécurisante à l’équilibration, à la marche et aux transitions assis-debout. Les contraintes médico-économiques drastiques conduisent à rechercher une optimisation des structures et des moyens d’actionnement et d’assistance.

Sujet d’étude 2 : suppléance et prothèses


Le sujet des prothèses robotiques a été relativement peu étudié en France jusqu’à ce jour, et le GT « Robotique et Santé » entend promouvoir cette thématique naissante. Ici, les questions scientifiques sont nombreuses. D’un point de vue de la conception, la question de la minimisation des actionnements est cruciale. Il s’agit de proposer des structures offrant un réel apport fonctionnel avec un nombre d’actionneurs minimal. Les besoins d’autonomie énergétique ajoutent aux difficultés liées au poids de ses systèmes.

Les questions ouvertes concernent également la commande et l’interfaçage. La solution privilégiée aujourd’hui est la prothèse myo-électrique exploitant des EMG pour la commande, mais ces dispositifs demandent encore aujourd’hui un apprentissage très important et de nombreuses autres options sont à étudier.